Art,  Beauté

Guide du tatouage à l’attention des élégants

Il existe quant au tatouage une vision caricaturale : puisque ce dernier fut porté surtout par des représentants de contre-cultures et des malfrats, certaines personnes en gardent une vision extérieure chargée de représentations négatives ; le tatouage est ainsi réduit aux papillons dans le bas du dos, aux tribals et autres bousilles immondes. C’est ainsi qu’on peut entendre que ce serait une pratique réservée aux beaufs, aux drogués, ou encore une « altération du corps ». Il existe une croyance populaire qui oppose le monde de l’élégance et celui des tatouages : c’est une aberration, tant historiquement qu’esthétiquement ; dans cet article nous nous pencherons sur ce sujet et essaierons de montrer que la gravure sur peau n’est ni l’apanage des criminels, ni celui des hipsters.

Comme nos vêtements, nous emportons le tatouage dans la mort, si bien qu’il continue à parler de son porteur depuis la tombe. Chargé d’histoire, de symboles et véritable moyen d’expression de soi, le tatouage est, à l’instar de la vêture, un ornement avec son langage propre et qui peut être élevé au rang d’art pour sublimer la toile qu’est le corps qui l’accueille. Au sein des cultures traditionnelles on retrouve cette idée de carte d’identité : en Polynésie, le tatouage a vocation à montrer le rang social et l’histoire de son porteur. Vieux comme l’humanité, le tatouage est un symbole incontournable de la condition humaine.
Cet article s’adresse aux tatoués comme aux non-tatoués, à ceux qui aiment et ceux qui détestent ; j’espère qu’il donnera envie à ceux qui hésitent de se lancer, et qu’il intéressera même ceux qui aiment garder leur peau intacte.

« Des névrosés d’Angleterre et d’Amérique ont essayé de mettre à la mode dernière cette barbare peinture sur la peau. Quelques uns se firent même graver follement sur le corps des tatouages merveilleux.  »
Alexandre Lacassagne dans Tatouages: Étude Anthropologique Et Médico-légale (citée ici)

1) Histoire de l’encre sur peau

Un classique quand on veut parfaire son argot

Marque des voyageurs, des rêveurs et des rebelles, le tatouage fut redécouvert en Europe par l’explorateur et capitaine britannique James Cook au XVIIIème siècle ; premier européen à avoir exploré les îles du Pacifique, il décrivit les marques corporelles des tahitiens qu’il rencontra. Ainsi fut lancée la mode : les marins revenaient alors de leurs voyages couverts de tatouages pour marquer sur leur peau leurs pérégrinations (mais aussi éviter astucieusement la flagellation en se faisant marquer d’images saintes : à l’époque, altérer une image pieuse était un crime). Parfois utilisé pour identifier les condamnés (la « flétrissure » pouvait aussi être faite au fer rouge), le tatouage a toujours eu une fonction de marqueur identitaire. C’est ainsi qu’il se répand, à partir des explorateurs, à toutes les strates de la société, des artisans aux monarques ; c’est en 1891, quand le New-Yorkais Samuel O’Reilly invente le premier dermographe électrique en s’inspirant d’une machine d’Edison, que le tatouage commence à connaître un énorme succès populaire.

« Ce sont des figures symboliques de leur métier que ces hommes portent sur la peau des mains ou plutôt des avant-bras. Le forgeron se fait tatouer une enclume, des marteaux, des fers à cheval ; le maçon une équerre […], le charpentier un compas et une hache ; le charcutier ou le boucher des couteaux, une tête de bœuf… »
La République Française du 2 Novembre 1895
La citation nous vient du blog Savoir d’Histoire ; nous renvoyons le lecteur à son article sur le tatouage

Mais l’apport de James Cook n’était qu’une redécouverte d’une pratique universelle bien plus ancienne, dont on retrouve des traces en Europe à partir du Néolithique, notamment dans les Alpes chez Ötzi aux alentours de 3500 avant l’ère commune. Les momies du Tarim, datées du IIème millénaire avant notre ère et appartenant à la civilisation Tokharienne, peuple Indo-Européen, sont elles-mêmes tatouées.
Que ce soit en Egypte, en Eurasie, en Occitanie, le tatouage est partout répandu. Au Japon, le tatouage est pratiqué tant chez les nobles que les criminels (ce que nous apprend le Kojiki au VIIIème siècle). Au IIIème et IVème siècles des écrits chinois parlent de pêcheurs tatoués pour qu’on puisse identifier leurs corps en cas de noyade comme le feront plus tard les pompiers japonais ; le tatouage fait appel aux superstitions, et aide à calmer les esprits ou s’accaparer leurs faveurs. Certains hommes sont tatoués d’œuvres d’art luxueuses, tandis que d’autres sont marqués de signes infamants. C’est l’occidentalisation progressive du Japon qui marquera la fin du prestige de l’Irezumi/Horimono, à cause des interdits bibliques et de l’image de « barbarie » que cela renvoyait (les gangs et criminels s’étant en partie appropriés la pratique) ; ce qui n’empêchera pas des Monarques de demander à se faire tatouer par des maître de l’Irezumi.

« Ce sont le plus souvent des croix, des étoiles, des comètes, des araignées ou des inscriptions (…) Barret décapité à Lyon avait sur le bras gauche cette inscription : Mort aux gendarmes. Sur l’un des bras de Seringer, un parricide, on lisait : Pas de chance. Philippe, l’étrangleur des prostituées, avait sur le bras droit : Né sous une mauvaise étoile. (…) Maistre, criminel, portait sur la poitrine Je jure de me venger.
A titre de curiosité donnons encore quelques inscriptions de tatouages : « Enfant du malheur » ; « Pensez à moi » ; « Vit seul, car les amis sont morts » ; « Vive la France et les pommes de terre frites. » (…) »
La Lanterne, 21 août 1888

Plus proche de nous, on retrouve une description des Bretons faite par Hérodien au IIIème siècle (ce que confirme Servius au IVème siècle) qui dit  « Les Bretons se tatouent le corps de peintures variées et de figures d’animaux de toutes sortes. Voilà pourquoi ils ne s’habillent pas, pour ne pas dissimuler leurs dessins corporels » (Histoire des Empereurs romains, de Marc-Aurèle à Gordien III).


Il convient aussi de citer la tradition, peu connue, du Bocanje križa (« arbalète »), le tatouage des Balkans ; on le dit issu des traditions païennes et magiques du mystérieux peuple des Lapydes, entre le IXème et le Ier siècle avant notre ère. Influencé par les Thraces, dont on sait qu’ils pratiquaient aussi cet art, le Bocanje se teinte peu à peu de diverses influences : le mithraïsme, religion à mystère répandue à Rome, commence à changer les motifs. On retrouve ainsi des roues solaires, et des dessins aux vertus « magiques ». Après la conversion au christianisme, les motifs de croix prennent un sens chrétien, et le tatouage se perdure ; mais c’est lors des invasions ottomanes au XVème siècle qu’il devient le marqueur d’une tragédie. Les enlèvements des jeunes enfants pour en faire des janissaires et la traite des blanches poussent à un retour du tatouage, encore plus visible et vindicatif : ce dernier permet de protéger contre la conversion et l’esclavage, du fait de l’interdiction du tatouage dans l’Islam.

Voir à ce sujet l’article du site Histoiredutatouage.fr
Sa Majesté Frédérik IX

Pour en finir avec la réduction tatouage = taulard, on pourra citer quelques contre-exemples notables. Le tatouage a en effet eu aussi des adeptes au sein de la plus haute noblesse : on peut citer notamment le Tsar Nicolas II, qui arborait une épée sur la poitrine à la suite d’un pèlerinage à Jérusalem.
Ce fut aussi le cas, dit-on, des Rois Britanniques Edouard VII et son fils George V ; pour la France, le célébrissime Jean-Baptiste Bernadotte, général auréolé de gloire sous Napoléon est un bon exemple : beaucoup de légendes courent sur ses tatouages. On parle d’un bonnet phrygien, de symboles républicains, mais surtout d’une devise sur le ventre « Mort aux Tyrans », restée d’autant plus célèbre que Bernadotte passa en quelques années de roturier à Roi de Suède et de Norvège, sous les noms respectifs de Charles XIV Jean et Charles III Jean.
La liste est interminable, tant l’attrait du tatouage comme symbole de virilité, de rébellion, d’aventure et de fougue attirait les nobles et potentats, mais on pourra enfin citer le marin et roi du Danemark Frédérik IX, avec ses tatouages de dragons.

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2 – Le sens du tatouage

La peau est un symbole important de l’homme : barrière entre soi et l’autre, entre intériorité et extériorité, entre l’homme et le monde, elle sert tout autant de protection que de lien. Elle constitue le premier vêtement de l’homme ; chaque cicatrice raconte une histoire, chaque ride apporte un élément d’information. La peau est un parchemin et le tatouage rend encore plus visible ce qui y est écrit. Bien que cette pratique passe pour une simple décoration corporelle, elle a une profondeur : la marque parle de son porteur.


a) Une blessure thérapeutique

Notre société s’est peu à peu séparée des rites qui donnaient un sens symbolique fort aux grands moments de la vie ; cette perte de symboles a entraîné une perte des repères, et de sens.
Mais d’abord qu’est-ce que le rite ? On pourrait définir le rite comme un ensemble de pratiques et coutumes traditionnelles, au caractère symbolique ; le terme est issu du latin ritus désignant tout autant une cérémonie qu’un usage (lui-même dérivé du PIE *h₂er- « adapter, réparer, assembler »). La cérémonie ou rituel désigne plus spécifiquement le rite théâtralisé et inscrit dans le temps : un rite simple peut prendre la forme d’actes ou paroles plus ou moins inconscientes (croiser les doigts, se souhaiter bonne chance…) tandis qu’une cérémonie a une organisation codifiée et fait intervenir des « acteurs » et participants avec des rôles définis par des règles. On pourra citer par exemple le mariage avec ses tenues spécifiques pour les mariés, le célébrant, la remise d’anneaux, le baiser, le changement de nom, etc. On retrouve la cérémonie ou le rite dans toute société, qu’elle soit athée ou qu’elle professe une religion officielle : on retrouve des mariages civils au sein de la République Française, à l’époque de l’URSS, tout comme des mariages religieux dans les sociétés chrétiennes par exemple. Fêter la réussite d’un diplôme, le départ à la retraite, pendre une crémaillère ou organiser un anniversaire sont autant de pratiques rituelles qui n’ont pas de fond religieux en soi.

Qu’est-ce que le tatouage ? On pourrait le comparer à un Rite de passage : la notion naît sous la plume de l’ethnologue Arnold van Gennep, et désigne un rite de métamorphose de l’individu qu’on retrouve dans les sociétés traditionnelles (Africaines, Amérindiennes etc) : le novice était d’abord séparé du groupe (il s’agit du préliminaire, souvent vécu comme une mort symbolique), puis marginalisé (liminarité, temps des épreuves et de la gestation symbolique de l’être en devenir) et enfin réintégré (post-liminaire, ou renaissance symbolique de l’individu renouvelé). Le rite de passage permet ainsi de lier l’individu à sa communauté et de lui donner une place, tout en maintenant la cohésion du groupe, mais il permet aussi de structurer la vie de la personne selon des étapes précises et l’aide à comprendre sa place dans le monde en tant qu’humain, ainsi que sa mortalité : On remarque en effet une structure qui reproduit celle de la vie en l’inversant : l’initié passe par la mort, puis l’épreuve (la vie iniatique à proprement parler) pour enfin (re)-naître. On le prépare ainsi, par une reproduction symbolique des étapes critiques de l’existence, à supporter toutes les épreuves de sa vie d’adulte.

Le tatouage Sak Yant, de tradition bouddhiste, est un bon exemple de pratique rituelle et à vocation mystique


Par exemple, chez les Batammariba du Koutammakou il existe des rites marquant la maturité sexuelle masculine comme féminine, tout comme il y avait la Cryptie à Sparte pour les jeunes hommes ; dans de nombreuses sociétés, on retrouve au sein des épreuves traditionnelles les scarifications ou tatouages comme c’était le cas en Polynésie. Le rite de passage marque ainsi le plus souvent un changement de statut social ou sexuel, mais peut aussi se retrouver au sein de groupes mystiques ou religieux : on parle alors du cas particulier de rite initiatique où un novice, après avoir vécu un certain nombre d’épreuves, intègre un groupe sensé le transformer profondément. Le tatouage a toujours été vécu comme une transformation externe du corps, rappelant la métamorphose interne de l’individu par la douleur de l’épreuve. Le retour de cette pratique me semble provenir de la même recherche que le renouveau de l’Art Tailleur et de l’habillement traditionnel masculin : le moderne, au sein de son monde chancelant sur ses bases, est dénué des jalons et repères qui marquaient le chemin de ses ancêtres. Aussi nos générations cherchent-elles à réintégrer dans le monde une version renouvelée de ce qui fut perdu.
On remarque d’ailleurs que même au sein de nos sociétés, on se fait très souvent tatouer pour aider à supporter un deuil, pour jurer fidélité à quelqu’un, pour montrer son appartenance à un groupe… Si certaines personnes, généralement peu tatouées, réduisent le tatouage à un bijou et sont influencées par les modes, la plupart des grands tatoués sont des gens sensibles, à fleur de peau. L’encre sur peau exorcise les blessures de l’âme : la douleur permet de se retrouver, de calmer la culpabilité, de se dépasser et de grandir en se rendant compte de ses « démons » intérieurs, de ses peurs. J’ai personnellement subi de nombreuses séances et je me suis retrouvé souvent face à moi-même : on se rend compte combien le manque de lâcher prise accentue la douleur, combien nos peurs rendent pires les coups d’aiguille. J’ai pu aussi me faire tatouer à la suite d’un deuil, et porter sur moi ces symboles et dessins m’a beaucoup aidé pour apprendre à m’aimer tant physiquement qu’intérieurement. Je me souviens d’ailleurs d’un tatouage en particulier : il s’agissait d’un recouvrement de tout le devant de mon corps. Le travail a duré 24 heures en tout, réparti sur 3 jours dont deux consécutifs : mon corps n’en pouvait plus, mon esprit non plus, et je ne percevais plus ni les limites de ma personne, ni la douleur. J’étais totalement dissocié. Au sortir de la dernière séance, ayant vidé mes dernière réserves hormonales, j’ai subi ma première véritable angoisse existentielle : j’ai pris conscience, par delà les mots et les concepts, de la finitude de ma personne et de ma vie. J’ai pris conscience de l’aspect si éphémère de nos existences ; on pourrait croire qu’il est étrange ou exagéré de mettre en parallèle le monde de la mystique et celui du tatouage. Pourtant il est né dans un contexte mystique où nos ancêtres étaient perdus dans un monde qu’ils ne comprenaient pas : loin de l’image actuelle des magazines et émissions tapageuses et souvent vulgaires, le tatouage a été créé pour répondre aux angoisses métaphysiques de l’individu.

Quelques uns de mes tatouages : à gauche le recouvrement fait par Uri, à droite mon bras droit fait par Jean-Luc sur le thème du Sabat des sorcières

Le tatoueur apparaît ainsi comme un chamane moderne, ou un prêtre qui, par l’encre, exorcise les démons qui tourmentent l’âme : mon ami Jean-Luc Navette, ancien maître tatoueur à l’âme de bluesman et génie de l’illustration, disait très justement qu’il traçait sur les peaux à l’aide de la bile noire qui torture ses clients. Je n’ai jamais été aussi éprouvé émotionnellement que sous son aiguille, et il a su marquer des épisodes importants de ma vie : sans que nous ayons eu à parler explicitement de certaines de mes blessures, ses dessins ont toujours touché juste. Trouver un bon tatoueur c’est ainsi trouver quelqu’un avec qui l’on peut communiquer « d’inconscient à inconscient ».

Jean-Luc est l’archétype même de l’artiste mystique : ancien tatoueur et illustrateur de génie, il est l’auteur de nombreux livres, et collabore au label de blues Night Records.
Avec Anthony Mowat et Tommy Rizzitell, Jean-Luc Navette a fondé le groupe de musique expérimentale Goyokin, à mi-chemin entre l’univers sombre du blues et les rituels chamaniques ou occultes.


b) L’appropriation du corps

N’est-ce pas le comble du gentilhomme que d’être habillé même nu ? Les Dandy déjà, se vouaient à un sacerdoce du beau, à une assise stricte résumée parfaitement par les mots de Baudelaire : « Le Dandy doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir ». Cette recherche allait puiser jusque dans les tréfonds de l’âme humaine de nouvelles expressions de l’esthétisme. On retrouve aujourd’hui encore cette démarche dans tous les amateurs du vêtement ou dans les nouveaux sectateurs de l’Art Sartorial : c’est ainsi que l’on voit ces derniers adopter une hygiène de vie globale basée sur l’amélioration de soi. Forger son corps, raffiner sa langue et développer sa pensée sont devenus indissociables d’une démarche stylistique complète. Le tatouage revêt les mêmes attributs : physiquement il se mérite par la souffrance et le temps qu’il demande. Esthétiquement il nécessite qu’on développe sa culture artistique, et qu’on construise sur le long terme son univers graphique pour ne pas commettre d’impair dans les choix de motifs et d’artistes. Psychiquement enfin, il nous appelle à travailler sur notre force intérieure, notre capacité à ne pas tomber dans l’addiction ou la compulsion, et notre lâcher prise.

H.B.Nielsen, Fabian Dickow et Jérôme « 
Sztuka Wojny »
sont trois tatoueurs qui excellent dans les petites pièces et flashs ; on peut très facilement se couvrir le corps de plein de motifs en ayant une cohérence très intéressante, et en évitant de trop grosses séances grâce à cela.

Combien nombreuses sont les femmes atteintes de cancer qui, ayant dû subir une mastectomie, ont utilisé le tatouage pour retrouver leur féminité ? Le tatouage a toujours eu vocation à permettre de consciemment influer sur ce à quoi on veut ressembler. Il peut permettre de remplacer une blessure inesthétique et imposée, par une autre que l’on aime et que l’on a choisie ; blessure d’autant plus saine qu’elle n’a pas vocation à faire ressembler à ce que l’on est pas. Si l’on met souvent en parallèle chirurgie esthétique (et non réparatrice) et tatouage, la différence principale réside dans la contrefaçon : dans les faux abdos, les liftings et les rhinoplasties, il y a surtout un business dont le ciment est la société marchande qui appose à chacun des défauts en fonction d’un idéal imaginaire et inatteignable. Être vieux c’est mal : il faut du botox, des teintures de cheveux et des liftings. Votre corps est trop ceci, pas assez cela, aussi devez-vous y remédier. Le tatouage, malgré le fait qu’il soit chez certaines personnes, peu conscientes de leurs actes, une mode, n’a pas vocation à faire de vous ce que vous n’êtes pas mais au contraire à montrer ce que vous voulez devenir : les fresques sur votre peau ne cherchent à tromper personne, mais elles montrent au monde votre univers interne.


c) La peau comme rapport au monde

Ici on peut voir mes tatouages par Audrey sur la jambe ainsi que ma manchette par Jean-Luc ; ils s’intègrent bien dans une tenue marine décontractée par exemple.

Beaucoup d’auteurs se sont penchés sur le sens symbolique de la peau. On constate dans le langage courant un lien fait entre la peau et l’émotivité : on parle de quelqu’un « à fleur de peau ». On sait que les personnes souffrant d’eczéma ont souvent des poussées lors des périodes de stress ou de déprime, donc peut-être existe-t-il déjà une première explication. Mais comme nous l’avons dit, la peau est aussi un organe paradoxal : il protège des agressions extérieures, et délimite le monde du dedans de celui du dehors, moi de l’autre, mais en même temps, il est le lieu du toucher ; ce dernier est l’un des premiers sens dont on use pour connaître le monde. C’est donc un lieu de contact avec l’altérité, par le contact avec le ventre puis la peau de la mère. Le psychologue Didier Anzieu développa une thèse en partant de cette constatation : le Moi-peau. Quoi qu’inscrite dans le courant psychanalytique, dont on peut reprocher de nombreux concepts et une absence quasi-totale de scientificité, elle est intéressante en tant que réflexion symbolique : d’après cette conception, le Moi se développerait grâces aux fonctions de la peau. La psyché de l’enfant aurait pour premier étayage la peau de sa mère (d’abord interne puis externe), et verrait ses frontières, ses défenses et ses fonctions se développer grâce à l’organe dermique. Ainsi, le tatouage aurait une fonction de réappropriation du lien à l’altérité et au monde, mais aussi à soi-même ; la peau comme le vêtement, étant et la frontière, et le lieu de connexion, entre soi et l’autre.

Personnellement j’aime avoir un contraste entre mon vêtement, qui est de l’ordre du social, et ma peau, du domaine de l’intime. J’étonne ainsi les gens qui voient mes tatouages quand je retrousse les manches de mes chemises : même si mes tatouages vont stylistiquement bien avec mes tenues, l’image du tatouage en tant que pratique barbare ou primitive a la peau dure. Je n’aime pas être une caricature que l’on peut déchiffrer d’un coup d’œil ; or l’individuation, le chemin vers l’accomplissement de soi, passe par le fait de devenir unique. Nous avons tous un corps, nous nous habillons tous. Mais ce que nous choisissons c’est le fait de subir les aspects obligatoires de l’existence, ou d’en faire un jeu. Ainsi, on peut choisir de ne s’habiller que par besoin, ou on peut en faire un lieu de plaisir et de progrès personnel. Le tatouage a la même fonction : il nécessite qu’on se plonge dans notre monde intérieur, qu’on cherche ce que l’on est et ce qui nous plaît vraiment, et qu’on l’appose sur nous. Assumer son tatouage c’est assumer ce que l’on a fait de notre corps, en conscience ; et c’est un premier pas pour aimer aussi ce que l’on a pas décidé, c’est à dire le corps dont on a hérité. Il ne s’agit ni de le camoufler, ni de l’altérer. Un bon tatouage suit les lignes du corps, est beau en lui-même, et est beau dans ce qu’il représente symboliquement.

Tant qu’il n’est pas sur les mains ou le visage, le tatouage reste plus ou moins intime, et peut donc tout à fait être allié à n’importe quel milieu, profession, ou style personnel (et les choses évoluent à ce sujet). D’ailleurs, puisque le tatouage est de l’ordre de l’Art, il permet tous les styles et peut donc s’intégrer dans tout univers graphique. On pourra donc citer quelques exemples de personnes qui savent allier leur style vestimentaire avec leurs encres :

L’incroyable Namha “Nami Man” Nguyen est un parfait exemple de mélange des styles réussi : il mêle pièces workwear, militaires et tailleurs, des bijoux, et des tatouages asiatiques, tout en restant cohérent et charismatique.
Yoshio Suyama, coiffeur, barbier et spécialiste d’art de vivre vintage (il est membre du Catsmeow), est un parfait exemple de l’union possible entre des univers différents : il sait allier des styles anciens (1920 à 1950) avec des tatouages traditionnels et néo-tradionnels.
Quentin Planchenault est un esthète (amateur d’art tailleur et bottier, spécialiste du glaçage de souliers…). Il est aussi très doué pour mélanger des influences rock et décalées (bagues, tatouages) avec des tenues inspirées de l’art tailleur, le tout avec beaucoup d’humour et de second degré.


3 – Conseils personnels

Ici je vais essayer de vous faire profiter de mes expériences ; au total j’ai pu recouvrir une bonne partie de mon corps, et cela a pu me permettre de connaître pas mal de choses. J’ai en effet d’abord succombé à un style que je déteste aujourd’hui (l’aquarelle) et j’ai dû subir un cover de tout le devant du corps, par exemple. Au fur et à mesure de mon parcours j’ai avancé dans ma conscience écologique et j’ai donc testé de nombreux soins, des encres et d’autres éléments qui m’ont permis d’améliorer l’aspect éthique et sanitaire de mes tatouages.

a) Réflexions préliminaires au tatouage

Je pense qu’avant de se faire tatouer il convient de bien réfléchir. Cela a l’air bête comme ça mais on peut très vite tomber dans le tatouage pulsionnel : que ce soit en soirée, ivre, en se faisant encrer par un ami non-professionnel, avec une hygiène déplorable, ou après avoir vu passer sur instagram des tatouages d’un style « nouveau », on peut tous tomber dans l’encrage non réfléchi. J’ai connu ces pulsions. Et pour s’en prémunir, je pense que le plus important est d’abord de s’abreuver d’images de tatouages. Instagram est une terre sainte pour trouver des tatoueurs excellents, et permettre de reconsidérer le fait d’aller voir Titouan, le tatoueur de son village, qui n’a aucun style à lui mais est capable de « tout recopier ».

Voilà un bon contre-exemple : faire sale et laid pour le plaisir du snobisme et de l’onanisme intellectuel. A ne pas reproduire.

Pour choisir un ou des styles il convient d’abord de se demander : est-ce que ce style me correspond ou est-ce que j’aime juste cette photo ? Et sans filtre, avec un contraste plus réaliste, les poils qui ont repoussé, et le noir affadi est-ce que j’aimerai aussi ce tatouage ? Si vous vous connaissez, vous savez quels sont les univers vestimentaires, artistiques etc qui vous touchent. Aussi demandez-vous : est-ce que ce projet de tatouage va pouvoir s’intégrer dans mon univers, et ce sur le long terme. Un exemple : imaginons une personne amatrice de l’architecture Art Nouveau et belle époque, qui a un mobilier de style Napoléon 3, qui porte la moustache avec un trois pièces en tweed de façon quasiment constante, et capable de citer Joseph de Maistre et Villiers de L’Isle-Adam de mémoire. Pensez-vous que des tatouages New School multicolores inspirés de Rick et Morty iraient avec son style ? Encore une fois il est important de ne pas être une caricature, mais cela ne veut pas dire qu’il faille être incohérent : le bon goût c’est aussi savoir mêler des choses d’apparence disparates pour arriver à une harmonie. Ainsi on peut parfaitement imaginer cette personne avec des tatouages traditionnels inspirés de ceux des années 1880/1900 malgré le côté bagnard, ou encore des tatouages type gravure issu d’artistes de la Renaissance. On pourrait imaginer du réalisme avec des décors naturels en clair obscur etc. Sans être dans le même univers, ces styles peuvent parfaitement s’intégrer dans sa garde-robe et son esthétisme général.

Maic du célébrissime salon Sang Bleu sait parfaitement utiliser des motifs médiévaux et renaissance

Avant de se faire tatouer, l’idéal est ainsi de connaître les grands styles, et d’approfondir sa connaissance dans celui ou ceux qui nous plaisent, histoire de pouvoir distinguer un bon tatoueur d’un mauvais ; trop de gens voient les tatoueurs comme des artisans recopieurs. Or un vrai tatoueur est un artiste, il ne fait qu’un seul style : le sien. Si déjà vous voyez dans le book d’un tatoueur du Polynésien qui côtoie du Traditionnel, du Japonais, du New School etc… Fuyez. Si autrefois les vieux tatoueurs de quartiers étaient peu nombreux et devaient donc savoir « tout faire » (avec d’ailleurs des résultats parfois particuliers), aujourd’hui un tatoueur est avant tout connu, comme un graphiste ou un peintre, pour la particularité de son univers. Aussi, si vous vous imaginez dessiner vous-même votre tatouage et demander à quelqu’un de vous le recopier, alors autant apprendre à tatouer et le faire par vous-même. Aucun bon tatoueur n’acceptera de reproduire bêtement le dessin d’un autre (à part peut-être une toile de maître, mais nous en reparlerons) : si vous voulez un tatouage exceptionnel il vous faut une bonne idée, un bon tatoueur dont vous aimez le style, et une compréhension mutuelle qui fait qu’il saura vous créer un dessin mieux que ce que vous imaginiez. Cette alchimie n’est possible que dans une relation d’égal à égal qu’on ne peut pas retrouver en tant que consommateur qui paye un artisan pour recopier trait pour trait un dessin de particulier.
Pour reconnaître aussi un bon tatoueur il faut savoir affiner son œil quant à sa technique : les lignes sont-elles tremblantes ? Les détails sont-ils fins et sans erreurs grossières (du genre fautes d’orthographe ou personnages à 7 orteils) ? Les perspectives semblent-elles correctes si elles sont sensées êtres réalistes ? Est-ce globalement abouti ? Or on ne peut répondre à ces questions que si l’on a su se faire une culture artistique. Ainsi on saura reconnaître un bleu (ou Blow out) provoqué par une aiguille enfoncée trop profondément par exemple.

Pietro Sedda a su réinterpréter le tatouage de marin avec une vision contemporaine

Il faut ainsi savoir ce que l’on veut, sans changer d’avis, mais ne pas être chiant : notre tatoueur n’est pas notre esclave, mais nous ne sommes pas le sien non plus. On doit être capable de lui laisser une grande liberté tout en lui disant ce qui nous déplaît. Trop de clients se prennent pour des tyrans qui voudraient presque dessiner à la place de leur artiste ; et en parallèle trop de tatoueurs, surtout jeunes, se vexent à la moindre remarque et pensent mieux savoir que leur client, en oubliant que c’est lui qui va porter à vie leur œuvre. Le respect doit être mutuel, et il passe beaucoup par la sensation de sympathie : si lors des premiers contacts par mail, et surtout en vrai, vous avez une mauvaise sensation, n’y allez pas. Il faut savoir s’écouter car il est inenvisageable de supporter des heures de douleur sous les aiguilles d’une personne qui nous est antipathique. Il ne faut pas non-plus choisir un tatoueur sous prétexte que c’est un ami, car souvent les gens n’osent pas dire les choses à leurs proches ; le tatouage créée souvent des liens, et c’est très bien. C’est une expérience humaine et, pour certains, mystique, mais cela se fait avec le temps et cela ne doit pas empêcher d’oublier qu’il s’agit de votre corps.
Que faire justement si on regrette un tatouage ? J’ai personnellement eu des tatouages ultra-colorés, en style aquarelle new-school parce que je n’y connaissais rien. Je ne m’étais pas penché sur le sujet, ma famille détestait (et n’aime toujours pas) les tatouages et j’ai donc « arraché le sparadrap » en me faisant tatouer vite, et beaucoup (la poitrine avec un cerf mal dessiné et des dégoulinures colorées, par un tatoueur qui m’était antipathique) ; eh bien je vais vous décevoir mais 1) le laser est hyper-douloureux, bien plus que le tatouage, laisse des traces et ne peut pas enlever toutes les couleurs (et ses effets à long terme sont peu connus) 2) les autres méthodes (injection d’acide lactique, ou à la bourrin type fer à repasser ou ponceuse) sont encore pires 3) les recouvrements, eux aussi, laissent quasiment toujours des traces de l’ancien tatouage… et nécessitent qu’on alloue une partie bien plus grande du corps que le tatouage d’origine, avec bien plus de noir (et ils sont souvent plus douloureux puisqu’il s’agit de repasser sur une zone fragilisée). Donc même si j’ai pu me faire recouvrir ce tatouage hideux, j’ai dû me faire encrer tout le buste, avec moult douleurs et des couleurs qu’on entraperçoit encore ; il me reste encore des bousilles à recouvrir aujourd’hui. Aussi, je recommande la patience : si l’idée de vous faire tatouer vous excite trop, que vous êtes « pressé » etc, c’est que vous n’êtes pas prêt. Il faut mériter son tatouage, dussiez-vous aller en Russie pour vous faire encrer, et devoir économiser 3 ans en attendant que la liste d’attente du tatoueur se vide.

Voilà ce que donne un tatouage non réfléchi. Les classiques (et généralement beaufs) idéogrammes chinois donnent des résultats… incroyables chez les non-sinophones.

Ici il convient de parler un peu de bon goût. Bon… C’est un sujet épineux, et il ne s’agira de ce fait que de mon avis personnel : je peux donc me tromper. Je dirais basiquement qu’un bon tatouage est celui qui est techniquement bien réalisé (tant au niveau du piqué qu’artistiquement), qui respecte les formes du corps et les règles de son style (ou les transcende intelligemment, ce qui demande une grande maîtrise), et enfin qui représente pour vous, et en général, quelque chose de profond (parce que le symbolisme « personnel » à base de « je me suis tatoué une plume parce que je suis quelqu’un de libre et que j’ai pris mon envol de la maison de papa » ou « j’ai une croix parce que je crois en moi » bof bof) et qui vous plaît. Je peux d’autant mieux en parler que j’ai eu à recouvrir quelques horreurs sacrément beaufs que je portais sur le corps.

Comme nous l’avons dit cela s’apprend ; aussi mieux vaut que ce soit par un peu de travail en amont que via la douleur et les larmes. L’erreur est formatrice mais quand elle est évitable, autant s’en prémunir. Il convient ici de faire une petite parenthèse sur le symbolisme : évitez les sites et livres qui assènent des vérités absolues et arbitraires du style « le pingouin représente un esprit de rébellion (what ?) » ou encore « la péridot est la pierre de naissance du mois d’août et renforce le chakra du cœur » (généralement le symbolisme new-age, à base d’anges planétaires du rayon indigo, est, à mon sens, à bannir). Le symbolisme, ce n’est pas ça : un corbeau aura tendance à représenter la mort car c’est un carnassier ; mais aussi l’intelligence, la sagesse et donc le mysticisme parce que c’est un animal très intelligent. L’Edelweiss représente les hauts sommets sur lesquels elle pousse et donc aussi les idéaux, etc. Le symbolisme n’a de sens que s’il a des justifications simples et logiques (le rouge représente la guerre parce que c’est la couleur du sang et l’amour à cause de la teinte des visages des amants, etc) ; un symbole peut aussi avoir plusieurs sens contradictoires : le loup représente par exemple souvent la mort ou la guerre en tant que carnassier et chasseur, mais la louve sera aussi rattachée à la maternité et l’abondance, comme dans l’image de Rémus et Romulus, en tant que mère attentive et nourricière.
Le symbolisme naturel doit toujours être lié à une analogie : par exemple, la lumière est généralement un symbole de compréhension, tandis que les ténèbres représentent le mystère ou la méconnaissance, car on perçoit les choses grâce à la lumière et elles nous sont cachées dans l’obscurité. Essayez de vous pencher sur les études Indo-européennes si cela vous intéresse.
Les anciens tatoués avaient une démarche simple et logique : le bateau représentait par exemple le voyage, l’exploration, voire la liberté. Même si l’on veut un tatouage avant tout pour des raisons esthétiques, il faut tout de même faire attention à ce que l’idée qu’il peut symboliser ne nous déplaise pas et s’assurer qu’il nous corresponde : on évitera un symbole qui rappelle un gang par exemple, ou qui donne une image que l’on n’aimerait pas avoir (le tribal fait beauf, et en bas du dos il évoque la prostitution). Si je prends mon cas, mon bras droit symbolise mon rattachement aux anciennes mythologies européennes : on y voit un dieu corbeau qui pourrait être Odin ou Lug, des femmes nues et des hommes cornus qui pourraient symboliser des sorciers ou des divinités de deux panthéons opposés (comme c’est le cas en Inde, en Perse ou chez les Scanvinaves), l’union du ciel et de la terre, des forces célestes et chtoniennes, féminines et masculines etc. On peut aussi y voir un tatouage de transgression en l’interprétant dans l’optique judéo-chrétienne comme « démoniaque » ; tous ces sens me plaisent, même ceux un peu moins intentionnels.

Voici ce à quoi ressemble un tatouage (moche) réalisé à l’envers

Concernant le respect du corps, il existe certaines règles dont les bases sont logiques : généralement, les visages des figures tatouées sont tournées vers l’intérieur du corps (parce que sinon, comme en héraldisme, l’animal ou le personnage semblera fuir) ; si on met un personnage tourné vers l’extérieur du corps sur le devant d’un tibia, par exemple, la jambe pourrait donner l’impression d’être arquée. Les écritures, notamment sur les avant-bras, doivent être lisibles par autrui : elles ne doivent jamais être à l’envers quand les bras sont le long du corps. Il en va de même pour tout motif : dans la position naturelle du corps, ils doivent être à l’endroit.
On veillera plutôt à étendre la largeur des épaules chez l’homme (pour donner au corps une forme de V) par exemple avec les ailes d’un oiseau, les bois d’un cerf etc, et renforcer ou épouser les hanches chez une femme (dont le corps tendra à ressembler à un sablier). On peut ainsi être très tatoué, tout en ayant une composition qui respecte le corps et ses formes : un bon tatouage ne sera par exemple pas placé dans un pli du corps qui le coupe en deux quand la personne ne bouge pas (on trouvera une démonstration parfaite dans cette vidéo où la carpe a la bouche coupée par le pli de l’aisselle à cause du très mauvais placement du tatouage).

Personnellement je dirais donc qu’il faut se garder de se tatouer un symbole, une image ou une œuvre d’un style que l’on ne comprend pas. Nous sommes tous le fruit de mélanges, et influences diverses, mais puisque le Symbole est par nature chargé de sens, il vaut mieux maîtriser son sujet par respect pour la culture dont il est issu et pour soi-même : le seul attrait esthétique ne suffit pas. C’est la nuance qui existe entre un amateur de cultures antiques et un « Ragnar » qui aime juste la série Viking, entre un passionné de culture Vaudou et/ou afro-caribéenne et quelqu’un qui trouve juste les vévé « dark » parce que pour lui cette culture se résume aux « poupées vaudous » (qui n’existent même pas au sein de cette tradition).
Je pense qu’il faut un rattachement profond, organique, à une culture pour pouvoir en utiliser les symboles. Un tatouage beauf est donc avant tout celui qui est fait par dessus la jambe, par mode, pour faire comme tout le monde, en mélangeant tout ce qu’on aime dans un gloubiboulga infâme ; la vulgarité (c’est à dire, le fait de faire comme tout le monde) est ainsi à proscrire, puisque le tatouage est justement une expression de ce que l’on est individuellement ; il en va de même pour la grossièreté. Il peut être drôle de mettre des blagues et clins d’œil dans un tatouage (je pense notamment avec émotion au mythique « j’ai une maison sur la côte » qu’un tatoué sortait avec malice avant de montrer son tatouage d’une maison qu’il avait sur les côtes), mais cela peut (et à mon sens doit) être fait avec finesse, même si dans le fond la blague est graveleuse. On pourra citer le « eau de vie » sur le pubis d’un homme, une Vénus dont le drapé semble dessiner une vulve et autres farces dont étaient friands les constructeurs de nos églises et cathédrales qui les truffaient de plaisanteries du genre.
C’est pour cela que, tout en adorant le tatouage Japonais ou les traditions berbères, polynésiennes (…) je me suis toujours refusé à me faire tatouer cela : au delà de l’appropriation culturelle (qui est souvent une excuse pour troller ou harceler) je ne me sens pas organiquement rattaché à ces cultures. J’ai beau adorer le travail de Gakkin, ou les artistes traditionnels (tatouant selon la technique du Tebori, sans machine) comme Horikazu, je ne me sentirais pas légitime de porter leur travail sur la peau : n’est pas Filip Leu qui veut.

Je recommande donc aux amateurs de tatouages traditionnels de se pencher sur les motifs folkloriques de leurs pays/régions du monde, tout en prenant garde à choisir un tatoueur qui maîtrise son sujet, pour ne pas faire « kikoo viking » ou caricatural. En voici quelques uns que j’aime beaucoup :

Que ce soit dans les sculptures, les dentelles ou les broderies, on retrouve des motifs folkloriques Européens de rosaces, fleurs et arabesques.
Les motifs tissés slaves et baltes sont géométriques ; on retrouve souvent des inspirations végétales ou solaires.
Trois exemples de styles graphiques historiques : à gauche des artefacts celtes de la Tène (environs 450 et 25 AEC), au centre les enluminures de l’évangéliaire de Kells (Grande-Bretagne 800 EC), à droite des pierres runiques et gravures scandinaves et vikings, trouvés notamment au sein d’églises « Stavkirke » (Moyen-âge)


On pourrait aussi citer d’autres styles historiques : mérovingien, carolingien, roman, gothique, classique, néo-classique, art nouveau, art déco… comme autant d’inspirations qui permettraient de composer un tatouage ; les enluminures, styles architecturaux ou de joaillerie sont aussi inspirants que les œuvres picturales.

b) Tatouage et santé


Si l’on souhaite se faire tatouer, il convient de se questionner sur la composition et l’origine des encres utilisées. La couleur pose un problème au niveau de la santé. En effet, la FDA (Food and Drug Administration) a publié un document selon lequel certaines encres contiennent les mêmes pigments que l’on peut trouver dans les cartouches d’imprimante, et qui n’ont pas été étudiées pour être utilisées – en l’occurrence, injectées – sur l’homme. Ainsi certaines encres causent-elles des cicatrices en sur-épaisseur, des chéloïdes, des granulomes (…) et diverses formes de réactions allergiques.
C’est différent pour les encres à maquillage permanent, qui sont étudiées en tant que cosmétiques et font ainsi l’objet de tests : avant d’atterrir sur le marché, les encres de tatouage destinées au maquillage permanent doivent être approuvées par le Federal Food Drug and Cosmetic Act. Cela n’exclut pas, pour autant, les réactions allergiques ; c’est pourquoi la composition doit être également étudiée plus en détail.

Précisons ici que la quête d’un tatouage plus sain n’est un idéal vers lequel tendre, idéal bien difficile à atteindre pour le moment malheureusement ; nous n’accusons aucun tatoueur, et ne cherchons à faire culpabiliser personne.

Les encres de tatouage classiques que l’on trouve le plus facilement contiennent des composés néfastes pour la santé tels que des sels métalliques. Des encres aussi banales que le noir et le rouge ont été testées et une étude publiée démontre qu’il est possible que les pigments voyagent à travers le système lymphatique et se retrouvent dans le foie.
Si l’on prend l’exemple du rouge, tout est problématique ; de l’oxyde de fer (autrement dit, la rouille) au cadmium (hautement toxique), toutes les encres rouges contiennent un ingrédient nocif pour le corps humain. Ce n’est pas le cas du noir qui peut être d’origine 100% végétale beaucoup plus facilement.
Les couleurs très vives comme le vert, le jaune ou le bleu vif sont à éviter elles aussi. Quant au blanc, s’il est généralement pigmenté avec de l’oxyde de zinc ou du dioxyde de titane (que l’on peut retrouver également dans des crèmes solaires bio), cela n’en reste pas moins une encre très épaisse moins respectueuse de la peau.

Il est de manière générale très difficile d’accéder à la composition des encres de tatouage, car elles sont rarement indiquées clairement même sur les sites professionnels. Une encre devrait avoir une composition courte, avec peu de pigments. Dans le cas qui nous occupe : l’encre noire devrait contenir des pigments d’origine végétale à base de carbone, et des ingrédients ayant une totale innocuité. Beaucoup d’encres contiennent des cendres d’origine animale, des solvants irritants pour la peau ou des conservateurs cancérigènes ; c’est sans faire mention de la tendance qui consiste à prétendre que les encres cosmétiques destinées au tatouage réparateur ou au maquillage permanent « sont moins bien », alors que celles-ci sont justement étudiées pour moins se répandre, pour être moins toxiques et plus saines. C’est le cas notamment de l’encre Dark Onyx de chez Ever After, dont je n’ai malheureusement pas trouvé la composition précise, mais qui a le mérite de contenir des ingrédients naturels et d’avoir été testée pour le tatouage « de soin » après une chirurgie par exemple.
La composition semble être la suivante : Eau, Hydrolat d’Hamamélis, Glycérine, Alcool / Solvant et pigment (pour le noir à base de charbon végétal : CI 77266). Je n’ai pas d’INCI précise pour le moment, mais je compte me procurer plusieurs encres pour les étudier plus en détail.

On pourra aussi citer ici le vieillissement : en plus d’avoir des compositions très problématiques, les tatouages en couleur vieillissement notablement plus mal que les tatouages noirs. En effet les encres des différentes couleurs étant composées d’ingrédients différents, ceux-ci disparaissent à des vitesses variables. C’est ainsi qu’on voit souvent un tatouage perdre totalement certaines teintes bien avant les autres. Ensuite, les couleurs régissent différemment aux UV, premiers responsable du vieillissement de la peau et des tatouages : c’est aussi la raison pour laquelle le vert (et le bleu ou le violacé) sont bien plus difficiles à enlever au laser.

Entendons-nous bien : la critique que nous faisons de la couleur n’est que technique, et nous adorons aussi les tatouages colorés ; le problème réside dans le fait qu’il n’existe pas actuellement d’encres de couleur écologiques et saines pour la santé ; de plus leur tenue dans le temps est bien moins importante. Nous avons eu des tatouages couleur et ne jetons la pierre à personne.

Concernant le tatouage en lui-même, il convient de bien manger avant la séance (pas trop gras ni trop sucré tout de même, mais avec des sucres lents si possible), de ne pas consommer d’alcool (qui fluidifie le sang), ni d’aspirine (pour les mêmes raisons) ou de drogues. Concernant la gestion de la douleur : chacun est très différent, mais dans tous les cas le lâcher prise est essentiel. Plus on se contracte, plus on est attentif à chaque coup d’aiguille, plus on risque de se contracter et bouger, rendant ainsi le tatouage plus long et empêchant la bonne pénétration de l’encre. Ce qui m’aide c’est d’écouter de la musique avec un casque ou des écouteurs très isolants quand je sais que j’aurais une séance très longue et éprouvante, ou de discuter au contraire avec le tatoueur si ce dernier apprécie cela et que j’ai un bon contact avec lui. Pour ma séance avec Uri, j’avais aussi préparé des jus de fruits purs (ou des smoothies sans sucre ajouté) pour avoir des apports de fructose pendant le tatouage, et cela m’aidait vraiment à tenir le choc. Il faut garder en tête que la douleur crée, au bout d’un moment, des endorphines et qu’il est donc préférable que les pauses ne soient pas trop nombreuses et ne durent pas trop longtemps pour ne pas que la douleur soit plus vive à la reprise (à cause de la peau à vif et de la descente d’hormones). Certains tatoueurs utilisent des anesthésiants locaux (en spray ou crèmes) et des personnes prennent de forts anti-douleurs : si dans le cas de séances longues et pénibles (comme dans des salons type Mondial du Tatouage, des compétitions etc) les anesthésiants peuvent, un peu et temporairement, aider, ils peuvent aussi être contre-productifs chez certains en accentuant la sensation de désagrément ou la douleur quand la peau recommence à devenir sensible. Qui plus est certains artistes trouvent que l’encre se fixe moins bien car la peau n’a pas la même tension à cause des effets de la lidocaïne. Concernant les anti-douleurs type opiacés (tramadol en tête), très utilisés par certains tatoués, ce me semble une démarche dangereuse ; nous avons tous pris un jour un antidouleur en fin de séance type advil, mais en prendre en prévention de la douleur ne sert à rien, et revient à se droguer pour éviter les désagréments nécessaires d’une pratique qui n’est pas obligatoire : si la douleur est si insoutenable, mieux vaut éviter de continuer à faire de nouveaux tatouages. Prendre une substance qui peut altérer potentiellement la conscience, c’est courir encore plus le risque de faire des crises d’angoisse (ou pire pour certaines personnes prédisposées). L’addiction au tatouage existe, et il faut bien être conscient que l’on doit prendre gare à ne pas tomber dedans en se mettant en danger socialement ou physiquement.


Au fur et à mesure des tatouages, la plupart des gens sentent leur résistance à cette pratique diminuer : le corps et l’esprit semblent ne plus supporter aussi bien cette douleur. Aussi n’est-il pas rare que les personnes très tatouées se contentent de petites séances de 1 heure ou 2 maximum, même pour de grosses pièces, car ils ne peuvent pas tenir plus longtemps. Ce n’est pas grave du tout tant que cela ne dérange pas votre tatoueur et qu’il est bien au courant de cette condition. Un entrainement à la méditation peut beaucoup aider, par le contrôle de la respiration, à supporter le tatouage. Personnellement, j’essaye après chaque séance de sport de me mettre dans une position droite, pas trop inconfortable et que je trouve propice à la méditation (en l’occurrence le lotus) ; je fixe ensuite un point, et je respire en gonflant le ventre (si possible en inspirant par le nez et expirant par la bouche, même si de nombreuses techniques existent). Très vite, cette sur-ventilation légère me permet de ne plus sentir la douleur provoquée par la position et de me détacher. Je n’essaye pas de ne plus penser, mais je laisse aller au contraire mon esprit vaquer en l’observant. Pendant les séances de tatouage difficile cela me permet, en reproduisant cette respiration (même si ce n’est pas le même cadre et que c’est donc bien plus compliqué), de bien mieux gérer la douleur. On a tendance en effet à arrêter de respirer quand on a mal alors que cela accentue la douleur : un travail en amont permet de mieux comprendre comment la supporter, et lâcher prise face à elle. C’est souvent l’analyse que l’on fait de la situation, la peur et la volonté de fuir, qui nous pénalisent : on se dit qu’on est minables d’avoir aussi mal, que d’autres y arrivent mieux, on se maudit de s’imposer cela, on repense au jugement de notre famille ou de la société, on se dit qu’on s’empoisonne ou que l’on se fait du mal, voire (j’ai ressenti ce genre d’angoisses en me faisant tatouer le ventre) qu’on va mourir. Si on réussit à comprendre que ces pensées sont des réflexes, des croyances et qu’il est très facile de s’en détacher si on est capable de les observer comme telles et de lâcher prise, alors elles n’ont plus d’impact sur nous.

c) L’entretien du tatouage

Concernant la cicatrisation, mieux vaut s’abstenir d’utiliser les produits les plus couramment conseillés ; certains recommandent d’utiliser de la vaseline (autre dénomination de la paraffine : il s’agit d’une huile minérale solide issue d’hydrocarbures, autrement dit, de pétrole pur raffiné) ou de la Bepanthen.

La paraffine, si elle est couramment utilisée, n’est pas pour autant bénéfique pour la peau. Son processus de fabrication est polluant, et si la paraffine est inerte et plutôt neutre, il est plus sage de privilégier des équivalents naturels. La Bepanthen est composée de paraffine, de cire d’abeille, de lanoline mais contient également des conservateurs controversés comme le phenoxyethanol. Ce n’est donc pas l’idéal pour soigner sa peau après l’agression que constitue l’acte du tatouage.

En matière de soin du tatouage, il convient d’utiliser des produits les plus minimalistes possibles. 

Trois soins naturels indispensables : Lanoline, Huile de coco, Aloé Vera

Lorsque le tatouage est tout frais et pour la cicatrisation humide sous film, si l’on souhaite remplacer la vaseline par une matière quasiment similaire, on peut utiliser de la lanoline ultra pure comme celle de Lansinoh. La viscosité est très proche de la vaseline et elle aide naturellement à la cicatrisation. En effet, elle forme une barrière très efficace qui prend le relais sur le film hydrolipidique naturel de la peau. C’est idéal pour les petites et moyennes pièces (sur les plus grandes, la texture quelque peu collante n’est pas agréable). 

L’huile de coco, naturellement antiseptique, peut être utilisée lors de la phase de la cicatrisation durant laquelle la peau pèle. Plus fluide que la lanoline (ou que la cire d’abeille et l’huile de ricin qui sont également intéressantes dans le soin du tatouage pour leur consistance épaisse), sa texture de baume la rend facile à appliquer et à conserver. Idéalement, il faut choisir une huile vierge, bio et de première pression à froid.

Dans les dernières phases de cicatrisation et en soin régulier, on peut utiliser du gel d’aloé vera pur. Excellent cicatrisant et hydratant, il fonctionne très bien en mélange ou en alternant avec un soin gras comme l’huile de coco. 

Les bons produits disponibles dans le commerce

Il est tout à fait compréhensible de préférer les produits « prêts à l’emploi » destinés aux soins du tatouage, que ce soit par confort ou par habitude ; lorsque notre peau a des besoins spécifiques et que l’on doit utiliser des crèmes grasses, ou au contraire fluides, ou contenant des émollients, etc. Ayez dans ce cas un soin particulier à la lecture de la composition des produits, car les soins du tatouage n’échappent pas au greenwashing.

Il existe des baumes de soin de tatouage naturels et tout à fait recommandables, disponibles dans le commerce. C’est le cas du baume EASY TATTOO à la composition naturelle et certifié végane : Baume naturel tattoo vegan Easy Tattoo. Celui-ci est composé d’un mélange d’huiles et cires végétales, avec des extraits de calendula. (Attention : les autres produits de cette marque sont plutôt à fuir).

Il existe aussi le Greenskin Tattoo Aftercare développé par Mikki Bold. Malheureusement, il contient beaucoup d’huiles essentielles, ce qui peut parfois empêcher son utilisation notamment si l’on a la peau sensible, une tendance à l’eczéma, ou que l’on allaite. De plus, les huiles essentielles peuvent provoquer des allergies ; elles sont loin d’être des produits neutres. Mis à part ce détail, le baume Greenskin a une composition tout à fait saine : c’est un mélange d’huiles et graisses végétales (beurre de karité, cire de riz, macérât huileux de calendula et huile de germe de blé) auquel s’ajoutent les fameuses huiles essentielles (lavande, niaouli, tea tree, carotte, romarin). Le produit est conservé avec de la vitamine E, un conservateur naturel autorisé par tous les labels bio (même si le Greenskin ne porte aucun label, ce qui est dommage encore une fois).

Dans le même esprit, le baume pour tatouage BIOPIQ est composé d’huiles végétales biologiques et ne contient qu’une seule huile essentielle, l’huile essentielle de Manuka ; utile dans la formule tant pour son côté antiseptique que cicatrisant. Ce baume est fabriqué en France de façon artisanale.

La mousse nettoyante Gold Standard CBD Wash de la marque Electrum est également intéressante, par sa composition entièrement naturelle et son effet apaisant. Elle est idéale pour calmer les zones tatouées endolories et nettoyer en douceur. Seule la présence d’huile de palme est contestable (à cause des effets néfastes de sa production sur l’environnement). Sa liste d’ingrédients étant introuvable sur internet, la voici en détail : 

ELECTRUM Gold Standard Soothing Foaming Wash & After are – INGREDIENTS (INCI) : 

Glycerin (Glycérine végétale), Aqua (Eau), Palm Kernel Flakes (Flocons d’huile de palme), Cocos Nucifera Oil (Huile de coco), Potassium Hydroxide Pellets (Potasse caustique), Olea Europea Fruit Oil (Huile d’olive), Simmondsia Chinensis Seed Oil (Huile de jojoba), Tocopheryl Acetate (Tocophérol, ou Vitamine E), Citric Acid, Cannabis Sativa Seed Oil (Huile de graines de chanvre), Chamomille Extract (Extrait de camomille), CBD Isolate (Isolat de CBD).
Certifié Vegan et sans THC.

Nous avons utilisé cette mousse pour son effet apaisant et l’absence d’huile essentielle ou de parfum ; mais vous pouvez tout aussi bien utiliser un savon doux, neutre, de préférence saponifié à froid pour qu’il libère de la glycérine et ne décape pas la peau.

Attention, comme pour le baume Easy Tattoo, ce produit n’est pas représentatif de toute la marque : nous ne recommandons que cette référence chez Electrum.

Pour vous donner un exemple de ce qu’il faut éviter, prenons le beurre de soin de la marque Believa :

BELIEVA Tattoo Professionnal Aftercare Butter – INGREDIENTS (INCI) :

Butyrospermum parkii butter (beurre de karité), Cocos Nucifera Oil (Huile de coco), Hydroxystearic/Linoleil/Oleic Polyglycerides (Stabilisateur d’émulsion ou liant, autorisé en cosmétique bio), Helianthus Annuus Seed Oil (Huile de tournesol), Argania Spinosa Kernel Oil (Huile d’argan), Mangifera Indica seed butter (Beurre de mangue), Oryza Sativa Bran Oil (Huile de son de riz), Octyldodecanol (Alcool gras utilisé en tant que solvant pouvant être d’origine végétale ou synthétique), Tocopheryl Acetate (Tocophérol, ou Vitamine E), Fragrance (Parfum synthétique), Ribes Nigrum Seed Oil (Huile de pépins de cassis); Propylene Glycol (émulsifiant potentiellement irritant et allergène non autorisé en bio), Aqua (Eau), Camellia Sinensis Leaf Extract, Helianthus Annuus Seed Oil Unsaponifiables, Mentha Arvensis Herb Oil (Macérât huileux de Menthe), Cardiospermum Halicacabum Flower/Leaf/Vine Extract, Tocopherol (En deuxième mention, probablement en tant que conservateur d’un macérât ou ingrédient secondaire ajouté à la formule), Rosmarinus Officinalis Leaf Extract (Extrait de romarin).

Baume tatouage Believa

On peut remarquer une composition très longue pour ce beurre, alors qu’il est inutile de multiplier les ingrédients pour un produit de soin, mais surtout la présence de parfum artificiel (qu’il soit d’origine naturelle ou non, ce qu’il est impossible de savoir) et de propylène glycol, substance controversée pouvant s’avérer irritante et allergène, favorisant la dermatite atopique chez les personnes qui y sont sujettes.

La mention « Vegan » ne garantit pas un bon produit et ne remplace pas un label bio sérieux. Ce baume ne contient pas de matière animale et n’est pas testé sur les animaux, mais c’est en fait le cas de la grande majorité des produits aujourd’hui disponibles sur le marché et qui ne s’étiquettent pourtant pas « végan ». C’est un argument qui laisse penser que le produit est écologique alors qu’il ne l’est pas. De plus, il serait peu prudent d’utiliser ce produit si l’on souffre d’eczéma, que ce soit à cause de la présence de parfum (inutile) ou du propylène glycol.


4 – Notre sélection des brodancheurs de couenne


Vous êtes arrivés jusqu’ici et je vous en remercie : on va donc entrer dans le vif du sujet. Je vais aborder ici de grandes catégories de styles que j’apprécie : il convient de noter que chaque tatoueur est différent et qu’ils ont tous leurs propres univers. Si je parle de style c’est surtout pour parler de leurs influences, mais ils sont tous uniques.
Je vais donc vous présenter mes préférés. Pourquoi ceux-là ? Parce que, comme je l’ai précisé, j’exclus d’office la couleur pour des raisons médicales et écologiques, et que ces univers que je cite 1) s’accordent globalement avec les styles vestimentaires que je prône, 2) sont chargés d’un sens symbolique que je pense mieux comprendre que d’autres courants. A eux huit je pense qu’ils regroupent une bonne partie du « blackwork » ; les intitulés sont assez généraux et abstraits tant il est dur de classer des artistes.
J’aurais pu en citer énormément, tant c’est un sujet qui me passionne mais j’ai voulu me concentrer sur ceux que je connais, et/ou dont j’apprécie profondément le travail dans son entièreté ; évidemment les vrais artistes tatoueurs sont uniques et il est donc difficile de les classer, les termes que j’utilise sont donc seulement informatifs et ne résument pas la démarche de chaque artiste.
J’ai essayé de ratisser large, en citant même certains styles que je trouve beaux mais qui ne me correspondent pas.

Style traditionnel

Style issu des tatouages des marins et des crapules, le Traditionnel a plusieurs racines : Européennes et notamment Françaises (avec les tatouages de bagnes et de gangs comme les Apaches) comme nous l’avons vu, Américaines (avec les motifs de soldats), mais aussi Russes… Il s’agit de dessins simples, aux traits épais, avec peu de détails et au style assez « enfantin » ou brut. Cela donne des choses impactantes qu’on imagine fort bien avec un style « Workwear » mais aussi au sein d’un habillement militaire ou traditionnel. On retrouve parfois des inspirations religieuses ou érotiques.

Audrey « Pas de Veine » est une tatoueuse traditionnelle très inspirée des motifs de bagnards et taulards ; elle a une patte artistique unique et envoûtante, mystique (et en plus c’est une très belle personne).
Pauly Lingerfelt affectionne autant les icônes et images chrétiennes, que les vévés vaudous ou les motifs folkloriques ; son trait est d’une grande finesse.

Lettrage

Comme souvent les mauvais tatouages incorporent du texte, je trouvais important de mettre en avant des exemples de ce à quoi devrait ressembler des lettrages aboutis. Il est important de préciser ici qu’un bon tatoueur ne tatouera jamais de petites écritures, car ces dernières deviendront illisibles avec le temps (le tatouage ayant tendance à fuser, devenir flou et se rependre un peu sous la peau ave les années)

Pierroked est, à mon sens, l’un des meilleurs tatoueurs spécialisés dans le lettrage de la planète.

Sombre

Les artistes que je cite ici s’inspirent souvent des gravures médiévales, de l’univers du Black Metal ou encore de l’occultisme ; ils tirent souvent leurs bases stylistiques du tatouage traditionnel (voire du Japonais).

Mishla a un univers unique, sombre et poétique, très inspiré des gravures médiévales
Happy Pet’s Ink est un collectif de 4 artistes qui tatouent dans un style unique et à part (où on sent une inspiration traditionnelle et japonaise) tout en y apportant un travail sur les volumes et textures vraiment singulier.
Alexander Grimm est très réputé pour son style inimitable, plein de textures, de plumages et rayons solaires sombres.
Lipa sait créer des créatures imaginaires et merveilleuses, et parfois cauchemardesques et terrifiantes.


Gravure

Ce style consiste à donner aux tatouages une apparence de gravure grâce aux hachures et au pointillisme ; il s’agit aussi souvent de reproduire des œuvres célèbres, soit à l’identique, soit dans une composition ou un collage.

Marco C. Materese est un maître du tatouage inspiré de gravures célèbres et dessins architecturaux
Maud Dardeau a un très grand talent pour reproduire des œuvres de Gustave Doré, et des gravures anciennes sur les peaux
Pawel Indulski aime faire d’impressionnantes et précises reproductions d’œuvres classiques avec une patte très moderne et graphique
Seb « Smbousille » a un univers étrange, mêlant photos anciennes et statues, dans un style entre la gravure et le graphisme


Ornemental

Le style ornemental est généralement axé sur une utilisation de la faune et de la flore, ou de motifs abstraits s’en inspirant (arabesques etc) pour souligner les courbes du corps.

Clarisse Amour a une patte graphique inspirée de la nature, mêlant animaux et végétaux en respectant les courbes des corps
Dodie est une tatoueuse qui sait allier les motifs raffinés de fleurs et d’animaux pour embellir les corps et recouvrir les cicatrices (notamment des victimes de cancer du sein par exemple).
Tony Tych s’inspire des styles classique et baroque, tout en les modernisant avec une vision graphique.

Style Folklorique/Païen

Comme je le disais précédemment, je conseille aux Européens qui n’ont pas de rattachement intime aux cultures polynésiennes ou tribales (ou de maîtrise profonde de celles-ci) de se pencher sur l’univers folklorique et païen européen ; il faut néanmoins faire attention à bien étudier le sujet, et choisir des tatoueurs doués et cultivés pour ne pas finir par ressembler à une caricature. Ce style se veut un retour aux sources primitives et païennes des peuples Indo-Européens, avec parfois une dimension rituelle et initiatique ; les courbes corporelles sont primordiales dans ce type de tatouage qui a une dimension ornementale.

Kai Uwe Faust de Tattoo.Dk est un vrai archéologue du tatouage : il tatoue notamment avec des techniques européennes anciennes (handpoked), et aime s’inspirer des pétroglyphes, des entrelacs celtiques ou des gravures scandinaves. Son travail a une dimension rituelle.
Antony Fowler d’Ancien Marks hybride à merveille les styles médiévaux scandinaves et celtes, mais aussi mérovingiens, carolingiens (…). Il couvre les corps avec maestria.
Sean Parry « Sacred Knot » adore les entrelacs, les pétroglyphes et les dessins primitifs et anciens ; il a une vision unique et sait mettre en valeur les courbes des corps.


Surréaliste

Ici j’ai cherché à classer des artistes assez différents mais ayant en commun une démarche unique et fantasque : on ressent un inspiration surréaliste, un mélange des styles et techniques.

Mélange de style gravure et de graphisme, très inspiré de l’univers marin, Matt Nangeroni a un univers très poétique
Jamie Luna a un univers déjanté et onirique, très inspiré du surréalisme de Dali ; au centre on peut voir une reproduction de « The Climax » d’Aubrey Beardsley.

Abstrait

Dans cette partie, j’ai décidé d’intégrer les tatouages texturés et abstraits : la démarche est inspirée par les tâches d’encre, les ondulations de l’eau et généralement les motifs naturels. Le but est de souligner les contours du corps.

Le travail des textures de Black Prada a pour but de souligner le corps
Dans le même style que Prada, Matt Hekensho reproduit des vagues, tâches d’encres et stries de bois sur les peaux.



Passionnée d’art, j’ai repris le dessin en 2019 après une longue pause. J’aime énormément chiner, me rendre chez les antiquaires et sur les brocantes ; les vieux manuels d’étiquette et les livres anciens de dames que l’on peut avoir la surprise d’y trouver sont pour moi de vrais trésors. Ayant suivi une formation dans le conseil en image et l’univers de la beauté, je m’intéresse à l’art du savoir-vivre au féminin. J’ai ouvert ma chaîne Twitch en 2022. Lors de mes streams, vous pouvez discuter avec moi en direct et nous pouvons travailler ensemble que ce soit en dessin, peinture, broderie ou autres réalisations artistiques. Je partage avec vous mes découvertes, expériences et conseils en matière de codes, de mode et d’élégance mais aussi de soins cosmétiques. Vous trouverez dans mes articles des conseils pour vivre la Féminité dans tous les domaines, s’épanouir et prendre soin de soi de façon naturelle.

3 Commentaires

  • AudreyGabyX

    Bonjour Aurélien (ou Célestine je viens de ton insta :))
    Alors question : j’adorerais aller chez un des tatoueurs cités ou même chez d’autres que j’adore mais penses-tu qu’un bon tatoueur pourrait accepter d’utiliser les produits qu’on lui apporte (je pense aux produits de nettoyage) ?
    En fait j’ai un peu peur de me faire recaler à l’entrée chez un « grand » tatoueur alors que paradoxalement je suis sure que celui qui m’a fait mon tatouage malabar aurait accepté sans problème
    (Oui moi aussi j’ai fait une erreur de jeunesse mdr)
    J’avoue que je n’ose pas trop demander directement car peur qu’on refuse mon projet et deja qu’il y a eu les listes d’attente, le covid etc etc pas évident! Pourtant c’est vrai que ça m’embete car globalement je fais attention à ce que je mets sur ma peau que ce soit maquillage, shampoings etc je prends le plus sain possible. Mais bon les tatouages c’est encore une autre affaire…
    Tu as déjà apporté tes produits chez un de tes tatoueurs ?

    • Aurélien Brunon

      Bonjour,
      Aurélien ici 🙂 c’est une très bonne question !
      Alors concernant les tatoueurs : on a tous ce souci, surtout quand notre tatoueur est connu, de ne pas vouloir « l’embêter » ou d’avoir peur qu’il se décommande si on ose lui parler de nos allergies. Clairement comme je le disais il y a une différence entre être tatillon, irrespectueux, directif et autoritariste, et simplement s’exprimer.
      Généralement je parle en amont de mes allergies de façon très sobre (j’ai de l’eczéma) et je demande si ça ne pose pas de soucis que j’apporte mon produit lavant (en l’occurrence je leur cite donc l’Electrum Tattoo Wash). Ca me permet tout de suite de voir si j’ai affaire à quelqu’un de compréhensif ou à une personne un peu… misanthrope pour être poli. Je n’ai jamais eu trop de soucis à ce niveau. Les encres c’est plus compliqué, et il faut plutôt connaître en amont son tatoueur, savoir qu’on partage les mêmes idéaux à ce sujet etc. Mais généralement je n’ai jamais eu de problèmes avec un artiste à ce niveau.

      Dans ton cas, tu peux très bien venir le jour même avec ton produit (prends bien garde à ce que ce soit quelque chose adapté au tatouage et donc à l’essuyage de l’encre) en expliquant gentiment ton cas, que tu n’as pas voulu l’embêter avec ça avant, et si tu te confrontes à un mur, que sinon tu risquerais de ruiner ton tatouage (ce que j’ai pu expérimenter en ayant une peau atopique). Pour moi, face à quelqu’un de respectueux, si on l’est soi-même, il n’y a aucun souci. Je conseille d’essayer de se détacher de ce genre de peur, car c’est souvent à cause de cela qu’on laisse tout passer à un tatoueur : on se dit que c’est un « grand nom », que le dessin est moyen etc mais que bon on va pas le vexer quand même, et c’est là qu’on finit avec quelque chose qu’on aime pas. Il ne faut pas oublier que le tatouage ne peut se faire que dans un rapport de respect et d’égalité, surtout quand il est très douloureux et dure des heures sur plusieurs séances : on a tous eu envie d’assassiner notre tatoueur à cause de la douleur même quand il est adorable, alors si ce dernier est un sale con, c’est encore plus dur à gérer émotionnellement.
      J’ai eu la chance d’avoir des tatoueurs adorables la plupart du temps, mais mon premier chest s’est très mal passé à cause d’un vrai rapport de force en ma défaveur, et c’est à cause de cela que j’ai fini à devoir aller en Catalogne me recouvrir tout le devant du corps ahah.
      Des tatouages malabars on en a tous eu je crois malheureusement ahah ! N’hésite pas si tu as d’autres questions !

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