Textile,  Vêtements

Non, la viscose n’est ni naturelle ni écologique.

On trouve souvent de la viscose comme alternative au polyester. Largement utilisée pour imiter de la soie, elle compose généralement des tissus satinés, des velours, ou même des matières froissés et fluides. On considère souvent la viscose comme un substitut de soie de bonne qualité : en effet, de nombreuses marques assez haut de gamme utilisent de la viscose, du cupro ou du bemberg pour la doublure des vestes. Or, quelle est la réalité ?

La viscose est composée de matières premières végétales : cellulose de bois (majoritairement bouleau, eucalyptus ou pin), de fibres de bambou, ou encore de maïs ; il est facile de penser qu’il s’agit d’une matière naturelle et écologique. Malheureusement, il n’en est rien. Si la matière première est végétale, il y a bien un processus chimique de transformation et des ajouts de substances synthétiques et nocives pour agglomérer la fibre ; autrement dit, il s’agit bien d’une matière finale que l’on peut qualifier d’artificielle.

Une matière irritante et toxique

Le processus de transformation implique des composés toxiques pour l’homme et la planète. Les bains servant à dissoudre les fibres sont composés notamment d’hydroxyde de sodium, de disulfure de carbone, d’acétone, d’ammoniaque ou d’acide sulfurique, qui produisent des rejets toxiques et polluants dans l’air comme dans l’eau. Le disulfure de carbone, par exemple, qui est massivement employé dans la production de viscose, est un liquide extrêmement volatil et inflammable, qui peut être très facilement inhalé ou projeté sur les ouvriers des usines textiles. Les seules vapeurs du disulfure de carbone sont hautement irritantes pour les yeux, les muqueuses et le système respiratoire. Une exposition prolongée peut provoquer des maux de tête, effets neurologiques sévères, de la confusion, des psychoses, jusqu’à des comas ou des décès. L’exposition chronique à cette substance a également des effets sur la fertilité. La production de viscose est l’une des principales sources d’exposition.

La fibre baignée est dissoute puis filtrée, essorée, pressée. Le liquide visqueux qui en résulte est étiré en fils, qui sont enroulés sur des bobines et serviront au tissage des étoffes de viscose.

La viscose est ensuite colorée, avec des colorants synthétiques toxiques contenant des métaux lourds. Les fibres de cellulose requièrent une coloration en cuve avec des colorants dispersés. Si la viscose est plus facile à teindre que le polyester, elle absorbe la couleur aussi bien qu’elle la rejette : en effet, les tissus en viscose dégorgent énormément. Le rejet de colorants dans les eaux usées est catastrophique et il en va de même pour le transfert de ces colorants sur notre peau. L’humidité ou la transpiration accentuent le phénomène. Concrètement, porter cette matière représente un danger pour notre peau.

Le coût environnemental

Coloration des eaux usées rejetées dans la nature au Bangladesh (source : New York Times)

Bien sûr, à l’instar du polyester, l’impact environnemental de la viscose est très important. En premier lieu, il faut se rappeler que la cellulose de bois est faite à partir d’arbres, qui sont donc coupés massivement, ce qui conduit à la déforestation. Or, le bois qui compose la viscose est coupé notamment dans les forêts considérées aujourd’hui comme en danger, telles que les forêts tropicales d’Indonésie ou la forêt boréale Canadienne. On estime à 30% la production de viscose provenant de forêts en danger.

Pour ce qui concerne la viscose de bambou, elle provient majoritairement de Chine, où les forêts sont peu à peu remplacées par des plantations de bambou servant à la production de viscose. Ces plantations industrielles sont arrosées de pesticides et autres produits chimiques.

L’Inde et le Bangladesh sont également de gros producteurs de viscose et de vêtements en viscose. Les robes ethniques que l’on peut trouver dans les boutiques de mode écolo ou sur les e-shops orientés bien-être et « nature » sont produites dans ces pays. Le velours de rayon, ou rayonne (un autre nom de la viscose) est un tissu qu’il vaut mieux éviter de porter, car il contient non seulement des colorants toxiques mais est souvent mélangé, en plus, à de la fibre synthétique pour augmenter sa brillance. Il est un bon indice pour connaître la fiabilité d’une marque prétendant que sa viscose est « sourcée » et « écologique ».

En plus du coût en eau de la production massive de bambou, et du rejet de pesticides dans les rivières, le rejet de colorants dans les eaux usées est absolument catastrophique.

Tencel : la seule « bonne » viscose

Il existe cependant une viscose réellement écologique et limitant son impact environnemental. Il s’agit du Tencel (également valable pour le Lyocell). Cette fibre, si elle est certifiée GOTS et provient de chaînes de production qui recyclent leurs bains et leurs eaux usées, devient effectivement une matière responsable. Il est important toutefois d’éviter tout mélange de cette fibre avec du spandex ou de l’élasthanne.

Que faut-il finalement penser de la viscose ?

S’il s’agit de lyocell ou de tencel fabriqué de façon extrêmement rigoureuse, avec des boucles de production et de recyclage, bénéficiant de certifications comme le label GOTS (qui est l’un des labels textiles actuels les plus exigeants), on peut porter de la viscose. Autrement, il faut la fuir, comme on le ferait pour du polyester ou n’importe quel tissu synthétique.

Les marques prétendument éco-responsables utilisant de la viscose font tout simplement du greenwashing, parfois sans en avoir conscience.

Les eaux colorées du Bangladesh à cause de l’industrie textile (source : New York Times)

Sources

Disulfure de carbone et production de viscose
https://www.atsdr.cdc.gov/MMG/MMG.asp?id=470&tid=84
Viscose ou rayon, une fibre écologique ?
https://www.coex.pro/intl/en/coexmag/viscosa-or-rayon-an-eco-sustainable-fibre
La pollution au Bangladesh racontée en couleurs et odeurs (photos New York Times)
https://www.nytimes.com/2013/07/15/world/asia/bangladesh-pollution-told-in-colors-and-smells.html
Les tissus de la mode conduisant à la déforestation
https://www.fibre2fashion.com/industry-article/7365/fashionable-fabrics-leading-to-deforestation
Alerte greenwashing, ces tissus naturels pourraient s’avérer toxiques
https://ecocult.com/greenwashing-alert-that-natural-fabric-made-from-plants-might-be-toxic/

Passionnée d’art, j’ai repris le dessin en 2019 après une longue pause. J’aime énormément chiner, me rendre chez les antiquaires et sur les brocantes ; les vieux manuels d’étiquette et les livres anciens de dames que l’on peut avoir la surprise d’y trouver sont pour moi de vrais trésors. Je partage avec vous mon univers entre nature, écologie, dessin et beauté.

4 Commentaires

  • Pierre

    Bonjour, ma mère a reçu en cadeau de Noël un plaid 100% polyester avec lequel elle dort maintenant. Risque t elle des perturbations de son système endocrinien ? Nous avons lavé l’article avant de le mettre en service. Faut il répéter l’opération même si polluante et à quel rythme, si elle souhaitait le conserver malgré le danger ?
    a bientôt,

    • Célestine Brunon

      Bonjour Pierre,
      Merci pour votre message et votre question. Malheureusement le polyester est une matière qui se dégrade au fil des lavages et relâche encore plus de microfibres lorsqu’il est lavé de nombreuses fois, tant dans les eaux usées que sur la peau. Je ne peux donc pas vous recommander de garder ce plaid, dont la matière est effectivement néfaste pour le système endocrinien et présente de nombreux risques pour la santé à long terme. Il vaudrait mieux le remplacer par un plaid en matière naturelle, le mieux étant le tissu non teinté, qu’il s’agisse de coton biologique ou de laine naturelle, qui existent sous forme de tissu polaire ou duveteux, remplaçant avantageusement le synthétique.

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